Canicule - Interview de François Pouget, SG du Samusocial de Paris | Samusocial de Paris
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Canicule - Interview de François Pouget, SG du Samusocial de Paris

04 Aug 2022 • Actualité

François Pouget, Secrétaire Général du Samusocial de Paris, répond aux questions de France Info.

« De plus en plus de personnes sont sensibles aux messages de prévention et ont bien pris en compte la difficulté de vivre une période de grande canicule, quand on vit à la rue. »

 

France Info : Ça ne paraît pas évident a priori comme ça, mais l'été est souvent une période plus critique encore que l'hiver pour les sans-abris. Il n'y a pas de bonne saison, à l'évidence, pour vivre dans la rue, mais l'été est une période particulièrement redoutée par vos services… Pourquoi ?

François Pouget : Effectivement, vous avez raison, on vit et on meurt dans la rue tout au long de l'année pour plusieurs raisons : les personnes qui vivent à la rue sont globalement plus en mauvaise santé que le reste de la population. À la rue, on a tendance à vieillir plus vite. Ce sont des populations qui sont plus exposées aux variations extrêmes de températures, car elles peuvent moins s’isoler. Ces personnes sont peut-être aussi moins sensibles aux fortes chaleurs, elles peuvent rester habillées plus longtemps en cas de températures fortes et elles ne se rendent pas compte qu'elles mettent leur métabolisme à rude épreuve. Et puis, ce sont des personnes qui sont moins exposées aux messages de prévention que l’on fournit quand il y a des périodes de canicule.

 

Il y a moins de réflexes de précaution ou de vigilance qu'en plein hiver, par exemple ?

F.P. : Oui, je pense que ce sont des messages qu'on a moins l'habitude de faire passer. Et désormais, on porte une attention tout à fait particulière à ces messages de prévention, en les diffusant le maximum. Je pense qu'ils commencent à passer, mais il faut encore un petit peu de temps d'adaptation.

 

Vous lancez des maraudes de prévention dans les rues de la capitale notamment, pour essayer justement de faire adopter ces réflexes, d'appeler à la vigilance ?

F.P. : Des maraudes, on en a tout au long de l'année, de jour comme de nuit, avec des travailleurs sociaux, avec des infirmiers et des infirmières. Mais effectivement, en période de canicule, on met l'accent sur ces messages de prévention parce que c'est absolument nécessaire. On fournit aussi des kits indispensables pour passer ces périodes de canicule. On offre de l'eau, on informe aussi sur les plans d'eau disponibles dans la capitale. On a une attention tout à fait particulière pour passer cette période de grosses chaleurs.

 

Les sans-abris sont aussi nombreux en été que le reste de l'année à Paris ?

F.P. : Oui. On a recensé, à l'occasion de la dernière Nuit de la Solidarité, environ 2 600 personnes qui vivaient en situation de rue, en hiver comme en été.

 

Est-ce qu'il est difficile de faire entendre ce message ?

F.P. : Je pense que c'est peut-être moins compliqué qu'avant parce que de plus en plus de personnes sont sensibles aux messages de prévention et ont bien pris en compte la difficulté de vivre une période de grande canicule, quand on vit à la rue. Mais il faut répéter les choses régulièrement.

 

D'autant que ces épisodes se répètent. Est-ce qu'il y a également des capacités d'accueil, d'hébergement ou d'accompagnement qui sont un peu inférieurs en été ?

F.P. : Pas forcément parce qu'on essaye de ne plus gérer « au thermomètre ». En fait on essaye de garder des places d’hébergement pérennisées tout au long de l'année. Et ce qu’on peut faire en été, c’est augmenter nos capacités en centres d'accueil, en faisant en sorte qu'ils soient plus longtemps ouverts le week-end, les jours fériés, un peu en soirée.

 

Quand un épisode de canicule est annoncé comme celui-là, est-ce que vous parvenez à faire ouvrir des places, comme c'est le cas sur de gros coup de froid en hiver, par exemple ?

F.P. : On n'a pas ouvert plus de places dans le cadre de cette période de canicule. Encore une fois, on agit plutôt sur l'ouverture des centres d'accueil, ou sur les dispositifs de maraude, que l’on essaye de développer et d'accroître. C'est surtout là-dessus qu'on a axé nos efforts.

 

Sur les maraudes, est-ce que c'est plus compliqué aussi en termes d'effectifs humains, entre les congés des bénévoles peut être moins nombreux ?

F.P. : Au Samusocial, on fonctionne avec des professionnels plutôt. Mais d'autres partenaires font des maraudes avec des bénévoles, et, effectivement, pendant l'été, c'est un peu plus compliqué. Mais de manière globale, on a des problématiques de recrutement. Tout au long de l'année, c'est difficile de boucler les plannings.

 

C'est toujours difficile toute l'année aujourd’hui, ou bien est-ce de plus en plus difficile ?

F.P. : C'est d'une certaine manière toujours difficile toute l'année et ça devient de plus en plus compliqué. Je pense que ce sont des métiers complexes. Les gens ne se dirigent pas toujours tout de suite vers ces métiers et peut-être un peu moins qu'auparavant. Et puis peut être qu'ils sont plus rapidement usés et veulent aller vers d'autres types d'activités. Effectivement, on ressent plus de difficultés pour garder nos collaborateurs.

 

Des métiers trop peu valorisés, comme on peut l'entendre aussi dans les secteurs de l'éducation ou de la santé ces derniers mois ?

F.P. : Oui, il y a un vrai enjeu de valorisation des métiers de la santé et du travail social. On y travaille régulièrement en essayant de les valoriser le plus possible.

 

A cet épisode de chaleur s'ajoute aussi à un rebond des contaminations au Covid ces dernières semaines. C'est un sujet majeur aussi depuis deux ans, ces difficultés de santé et ces épidémies pour les personnes sans abri ?

F.P. : Oui, c'est un vrai sujet que l’on suit maintenant depuis plusieurs mois, qui est une réalité dans nos centres d'hébergement et dans nos dispositifs d'accueil. On a notamment mis en place des dispositifs mobiles de vaccination pour les personnes sans abri. On vit avec le Covid depuis maintenant 18 mois. Effectivement, on voit actuellement dans nos structures des pics de contaminations qui nous inquiètent et nous prenons des mesures pour y faire face.


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