Depuis deux ans, la Pension de famille du Samusocial de Paris organise un séjour de rupture par an pour permettre aux résident·es de quitter le quotidien, de respirer, de retrouver confiance et de renforcer les liens avec les équipes. En 2025, la destination choisie fut Annecy, entre lac et montagnes, pour quatre jours dʼévasion, de découvertes et de convivialité.
Une parenthèse précieuse, à la fois humaine et thérapeutique, organisée par lʼéquipe de la pension de famille. Léa Turchi, responsable de la pension, Marie Bonnot, assistante sociale, et Eugénie Frolet, animatrice.
Un lieu de vie, pas seulement un hébergement
La Pension de famille nʼest pas un centre dʼhébergement dʼurgence classique. Ici, les résident·es disposent dʼun logement durable, mais continuent dʼêtre accompagnés au quotidien.
Léa Turchi explique : “Par rapport aux autres structures du Samusocial de Paris où il sʼagit dʼhébergement dʼurgence, ici, cʼest du logement accompagné. Cʼest pour des personnes de plus de 45 ans, seules ou en couple sans enfants, qui ont eu un long parcours dʼerrance, souvent sans logement pendant longtemps.ˮ
Lʼéquipe, composée dʼune responsable, dʼune assistante sociale et dʼune animatrice, alterne entre accompagnement individuel et travail collectif.
Marie Bonnot précise :
“On fait pas mal dʼateliers collectifs avec Eugénie : café débat, jeux de société, sorties à lʼextérieur, et un séjour de rupture par an."
Rompre l'isolement, retrouver confiance
Ces séjours de rupture ont un rôle essentiel : offrir un souffle à des personnes qui, souvent, nʼont pas quitté Paris depuis des années.
Marie raconte :
“Certains nʼavaient pas quitté Paris depuis dix ou quinze ans. Le fait de découvrir autre chose, de changer de cadre, cʼest déjà énorme. Et ça nous permet aussi de voir comment ils gèrent leur autonomie, leur traitement, leur rapport à lʼhygiène, ou encore leur rapport au collectif. Parce quʼà la pension, le collectif, cʼest central.ˮ
Le bénéfice psychologique est évident.
“Ça fait du bien à leur santé mentale. Parfois, ça débloque aussi des situations. En les voyant en autonomie, on comprend mieux leurs besoins, on ajuste les aides, notamment à domicile. Et ça renforce la confiance entre nous, plus il y a de lien, mieux on peut travailler.ˮ
Ce séjour est aussi un outil dʼaccompagnement social, les effets dépassent souvent les quelques jours de voyage : des envies renaissent, des initiatives se multiplient, des liens se tissent entre résident·es.
Direction Annecy : entre lac, montagne et découverte
Cette année, le séjour sʼest déroulé à Annecy.
Sept résident·es, accompagné·es par Léa, Marie et lʼassociation INTʼACT (partenaire spécialisé dans les séjours adaptés) ont pris le train pour rejoindre la “Venise des Alpesˮ.
Léa raconte : “Lʼannée dernière, nous étions partis à Vertou, en Loire-Atlantique. Cette année, direction Annecy, et lʼannée prochaine ce sera Cabourg ! À la fin de chaque séjour, il y a une évaluation avec les résident·es : on revient sur ce quʼils ont aimé, ce quʼils aimeraient découvrir ensuite… Et lʼan dernier, beaucoup avaient exprimé lʼenvie dʼaller à la montagne.ˮ
Pendant quatre jours, les résident·es ont donc profité dʼun programme riche et varié : visite du château dʼAnnecy, balade sur le lac, musée du patrimoine, molky, restaurant en bord de lac, atelier bien-être, bowling et laser game.
Le séjour permet aussi aux travailleuses sociales dʼobserver autrement les personnes accompagnées.
Marie confie :
“On repère des choses quʼon ne voit pas au quotidien : les habitudes, les consommations, les dépendances, les comportements. Par exemple, on a découvert des addictions quʼon ne soupçonnait pas. Ça nous aide à mieux adapter notre accompagnement.ˮ
Mais il y a aussi des moments plus légers :
“Ils sʼentraident beaucoup. ‘Tu veux de lʼaide ?ʼ, ‘Tu nʼes pas trop fatigué ?ʼ, il y a une vraie bienveillance entre eux. Et ça se ressent ensuite dans la vie quotidienne à la pension.ˮ
Un projet financé grâce à la solidarité et à la musique
Organiser un séjour de rupture, cʼest aussi un défi financier. Pour y parvenir, lʼéquipe a choisi une approche collective et créative : un festival de musique solidaire, imaginé avec les résident·es.
Grâce à la mobilisation des résident·es et du quartier, lʼévénement a vu le jour.
“Eugénie, qui est musicienne, a fait venir plusieurs groupes. Les résident·es ont préparé à manger, dʼautres ont distribué les affiches, on a eu des bénévoles pour tenir les stands.
explique Léa.
Résultat : 1 700 euros récoltés, complétés par un soutien de lʼANCV et des dons de particulier.
“Ça nous a demandé beaucoup dʼénergie,ˮ admet Marie, “mais ça valait le coup. Et maintenant quʼon connaît les étapes et quʼon a les bons partenaires, on aimerait bien le reconduire.ˮ
Une aventure collective qui transforme
Au retour, le bilan est unanime, Marie résume : “Ces espaces collectifs, cʼest là que tout se joue. On parle de ‘pouvoir dʼagirʼ, mais si on ne crée pas ces moments, rien nʼavance. Ils reprennent confiance, se sentent à leur place. Et pour nous aussi, ça renforce la cohésion dʼéquipe.ˮ
Léa conclut : “On était déjà convaincues, mais ce séjour nous lʼa prouvé : le collectif est essentiel. Ces liens dʼentraide, cʼest ce qui fait que la pension est un vrai lieu de vie.
Remerciements
Lʼéquipe tient à remercier lʼassociation INTʼACT, la mairie du 19ᵉ arrondissement de Paris, les bénévoles, les musiciens, les résident·es, le bar Paname Brewing Company, ainsi que toutes les personnes du Samusocial de Paris.
"Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin."
Léa et Marie