Témoignage de Ayoub | Samusocial de Paris
#EnfanceSansDomicile Témoignage de Ayoub

Te souviens-tu de votre arrivée en France ?

On est arrivés de Grozny en voiture, de nuit. Il a fallu se renseigner pour trouver un hébergement, on n’y connaissait rien ! On a fait plusieurs hôtels à Paris, Aubervilliers, Persan-Beaumont. A l’époque, j’allais encore à l’école mais c’était pas évident d’arriver à l’heure ! Il fallait se lever très tôt, prendre le train, etc. On est finalement arrivés ici il y a trois mois.
Je m’énerve vite, souvent pour des histoires de propreté. Je suis habitué à vivre dans un endroit petit, alors chez moi, il faut que ça brille.


Comment s’est déroulée ta scolarité ?

J’ai d’abord été en primaire dans le 12ème, puis au collège dans le 20ème pendant deux ans, où j’ai fait deux classes de sixième, puis une moitié de cinquième dans le 18ème. Je me suis fait virer parce que j’étais violent. Après je suis allé dans le 19ème, où là aussi j’ai été viré à la fin de la cinquième pour violence.
Les gens me prenaient pour un faible, on me cherchait et moi, je n’aimais pas ça. Je ne voulais plus aller à l’école, il y a trop de monde en même temps.


As-tu été réorienté ?

J’ai fait ma quatrième en SAPPEJ (Service d’Activités PsychoPédagogiques et Educatives de Jour). Il y avait plein d’activités, on n’apprenait pas comme à l’école : les profs installaient un climat de confiance, et on était 10 ou 15 par classe. J’aimais même les maths là-bas ! J’ai grandi, j’ai arrêté de me battre.


Fais-tu des études aujourd’hui ?

Non. Je faisais un CAP en alternance, mais je n’ai pas pu faire le stage parce que je n’avais pas de papiers. Je croyais que j’étais Français parce que j’allais à l’école, je ne me suis jamais posé la question des papiers. Depuis ma majorité, j’ai la protection subsidiaire.


Quels sont tes projets, tes loisirs ?

J’ai trouvé un boulot de serveur dans un bar du 19ème arrondissement. Pendant mon temps libre, je sors retrouver des potes pour jouer au foot, et quand je ne sors pas, je joue aux jeux vidéo dans la chambre. C’est très addictif, je sais que ce n’est pas bien, mais je suis en plein dedans.


Avez-vous une source de revenus ?

Ma mère fait des ménages le jour, mais c’est pénible pour elle. Je fais de temps en temps des petits boulots, je range, je nettoie, j’aide à porter…

 
Qu’est-ce que tu aimerais faire plus tard ?

Quand j’aurai gagné un peu d’argent, j’aimerais reprendre des études. En attendant, je vais travailler comme serveur et me tuer à faire ce boulot pour pouvoir acheter un appartement. Je ne veux plus dépendre des gens. Plus tard, ce seront les banques qui me demanderont de l’argent. J’ai envie d’aller vivre dans un village dans le centre de la France, dans un lieu calme, avec ma famille, et que ma mère n’ait plus à travailler. Je me donne dix ans pour faire ça.


Te souviens-tu de la vie en Tchétchénie ?

On vivait constamment sous la menace. J’étais triste de partir mais ici, c’est mieux. La France c’est une chance, il faut juste savoir vivre ici.


As-tu gardé des liens avec ta famille ?

Aucun. Je veux avancer. Ici, j’ai des amis que je connais depuis des années, c’est devenu ma famille. La moitié de ces gars-là sont déscolarisés. On a grandi d’une autre manière, on est capable de faire des choses par nous-mêmes, mais je sais que ceux qui vont à l’école ont plus d’avenir.


Recevez l'actualité du Samusocial de Paris